L’interdiction de fumer sur les lieux de travail
Article paru dans FO Métaux n°452 - Janvier 2007

«FO Métaux - LE JOURNAL»
Organe de la Fédération Force Ouvrière de la Métallurgie
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Le décret sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics, adopté le 15 novembre dernier et publié au Journal officiel du 16 novembre 2006 (D n°2006-1386), a beaucoup fait parler de lui. Trois circulaires viennent de paraître afin de préciser le champ d’application de l’interdiction de fumer, notamment sur les lieux de travail. C’est l’occasion pour nous de faire un point sur cette mesure (art. R. 3511-1 et suivants du Code de la Santé Publique).

Quels lieux sont concernés par l’interdiction de fumer?
De manière générale, ce sont :
• " les lieux, à usage collectif, fermés et couverts, qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail " (art. R. 3511-1 Code de la santé publique) :
• les moyens de transport collectif ;
- les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés ;
• les établissements destinés à l’accueil, la formation, l’hébergement ou la pratique sportive des mineurs ;
• les établissements de santé.

Et dans l’entreprise plus spécifiquement ?
Comme avant, sont concernés par l’interdiction les locaux clos et couverts affectés à l’ensemble des salariés (accueil et réception, restauration, salles de réunion et de formation, salles et espaces de repos...). Aucune dérogation n’est plus admise.
Le décret va plus loin que les mesures d’application de la loi Evin puisque l’interdiction est a priori applicable dans les bureaux individuels comme dans les bureaux collectifs. La circulaire du 24 novembre 2006 du Ministère de l’Emploi précise en effet que dans la réalité, les bureaux individuels ne sont jamais occupés uniquement par un seul salarié.

L’employeur doit-il prévoir des locaux fumeurs dans l’entreprise?
Ce n’est pas une obligation mais une simple faculté. Si la décision est prise de mettre à la disposition des fumeurs ce type de local, il doit répondre à des conditions très strictes :
Ce doit être une salle close dans laquelle aucune prestation de services n’est délivrée. Aucune tâche de maintenance ne peut y être exécutée sans que l’air ait été renouvelé pendant au moins une heure. L’emplacement doit être équipé d’un puissant système d’extraction d’air indépendant du système de ventilation général du bâtiment. La salle doit être continuellement en dépression par rapport au reste des locaux attenants pour que la fumée ne puisse s’échapper et être dotée de fermetures automatiques sans possibilité d’ouverture non intentionnelle. La salle ne doit pas constituer un lieu de passage et ne peut représenter plus de 20% de la superficie totale du bâtiment sans pouvoir excéder dans tous les cas 35m2. Le responsable de l’établissement doit toujours être en mesure de présenter une attestation de maintenance du dispositif de ventilation mécanique à l’occasion de tout contrôle et faire procéder à l’entretien régulier du dispositif.

Les représentants du personnel doiventils être consultés?
Le projet de mise en place d’un tel emplacement et les modalités de mise en œuvre doivent être soumises pour consultation au CHSCT ou, à défaut, aux délégués du personnel et à la médecine du travail. La circulaire du 24 novembre 2006 précise que 2 membres du CHSCT peuvent également être à l’origine de la discussion sur cet emplacement en provoquant une réunion extraordinaire.
Ces consultations doivent être renouvelées tous les 2 ans lorsqu’un emplacement spécifique a été mis en place.
De manière plus générale, les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte en cas de dangers pour la santé des salariés (art. L. 422-1-1 du Code du travail) et le CHSCT a une mission générale de contribution à la protection de la santé des salariés (art. L. 236-2 du Code du travail).

Quelles sont les obligations pour l’employeur?
L’employeur a une obligation de sécurité de résultat en matière de lutte contre le tabagisme (Cass. Soc. 29 juin 2005). De manière générale, il doit donc faire respecter cette législation, en vue de protéger la santé des salariés.
Le responsable de l’établissement est donc passible d’une amende de 4ème classe (135 euros) si :
• il ne met pas en place la signalisation rappelant le principe de l’interdiction de fumer ;
• il met à la disposition des fumeurs un fumoir non conforme aux prescriptions réglementaires ;
• il favorise volontairement, par quelque moyen que ce soit, la violation de l’interdiction de fumer.

L’interdiction de fumer doit-elle apparaître dans le règlement intérieur?
Ce n’est pas une obligation, la réglementation s’impose à tous sans avoir besoin de modifier le règlement.

Que risque un salarié qui fume en violation de cette interdiction ?
Il s’expose à la fois au pouvoir disciplinaire de l’employeur (sanctions disciplinaires classiques) mais également à une amende pénale de 3ème classe (68 euros).

Quand est ce que cette réglementation est applicable?
Dans l’entreprise, dès le 1er février 2007. Dans les " lieux de convivialité " (bars, discothèque, débits de tabac, hôtels et restaurants, casinos), cette interdiction s’appliquera le 1er janvier 2008.

A noter : les inspecteurs du travail sont habilités à constater les infractions prévues par cette réglementation. La circulaire annonce également une action de contrôle ciblée effectuée en février 2007 par les agents de contrôle qui vérifieront le respect de l’interdiction, les consultations liées à la mise en place de fumoirs, la production de l’attestation et le respect de la signalétique. Ces actions devraient être effectuées avant fin mars.


Validité des accords d’entreprise: pas de majorité syndicale en l’absence de quorum
 
Source : Confédération force Ouvrière - janvier 2007.
Depuis la loi du 4 mai 2004 portant réforme de la négociation collective, les conditions de validité des accords d’entreprise doivent être fixées par une convention de branche ou un accord professionnel étendu (loi n°2004-391: pour une étude détaillée voir InFOjuridiques n°46, juin 2004, «La réforme de la négociation collective»). Deux modalités peuvent être retenues: une majorité d’engagement ou une absence d’opposition majoritaire. En l’absence de convention ou d’accord étendu, c’est le système d’absence d’opposition majoritaire qui est retenu (nouvel article L.132-2-2 III).

La majorité d’engagement ou d’opposition s’apprécie par rapport au résultat du premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Si c’est la majorité d’engagement qui est retenue, l’accord d’entreprise devra, pour être valable, être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli les voix d’au moins la majorité des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du CE ou, à défaut, des délégués du personnel. Si c’est la majorité d’opposition qui est choisie, la validité de l’accord d’entreprise est simplement conditionnée à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour.

Que se passe-t-il lorsque le quorum n’est pas atteint? Faut-il tout de même dépouiller le premier tour afin de calculer la majorité syndicale? Les résultats du premier tour peuvent-ils être pris en compte pour vérifier la condition de majorité alors même que le quorum n’est pas atteint? Peut-on se référer aux résultats du deuxième tour?

Par un arrêt en date du 20 décembre 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation répond à l’ensemble de ces interrogations: lorsque le quorum prévu par les articles L.423-14 et L.433-10 du Code du travail n’est pas atteint au premier tour des élections professionnelles à la proportionnelle, il n’y a pas lieu de décompter les suffrages exprimés en faveur de chacune des listes syndicales, de sorte qu’il y a carence au sens du quatrième alinéa de l’article L.132-2-2 III du même code (Cass. soc., 20 décembre 2006, n°05-60.345, PBRI).

Autrement dit, en l’absence de quorum, il n’y a pas de résultat électoral et par voie de conséquence aucune majorité syndicale ne peut être déterminée. En l’absence de quorum, il n’y a même pas à dépouiller le premier tour des élections pour décompter les suffrages exprimés en faveur de chaque liste. Dans une telle situation, la Cour de cassation considère qu’il y a carence d’élections professionnelles; la validité de l’accord d’entreprise signé par le délégué syndical est alors subordonnée à l’approbation de la majorité des salariés. Cette solution aboutit à refuser de mesurer l’audience syndicale.

La position de la Cour de cassation est contraire à celle de l’Administration.

La circulaire DRT n°9 du 22 septembre 2004 indique que «dans tous les cas, le caractère majoritaire des organisations syndicales s’apprécie au regard des résultats du premier tour des dernières élections professionnelles. Il convient donc, pour pouvoir mesurer l’audience respective de chaque organisation syndicale, que les opérations de dépouillement des votes au premier tour de ces élections soient menées jusqu’à leur terme, y compris lorsqu’il est constaté que le quorum n’est pas atteint».

La position des juges suprêmes présente le sérieux inconvénient d’empêcher les organisations syndicales d’exercer leur droit d’opposition jusqu’aux prochaines élections du comité d’entreprise (rappelons que désormais les membres du CE sont élus pour quatre ans). Le quorum non atteint, n’importe quel accord pourra être signé (et par n’importe qui): le droit d’opposition ne pourra jamais être exercé.

Comme le souligne le communiqué de la Cour de cassation, cet arrêt est révélateur des difficultés présentées par le recours aux résultats des élections professionnelles pour apprécier une condition de majorité pour la négociation collective. Il pourrait être un frein à l’adoption par le législateur de la proposition formulée par le Conseil économique et social de mesurer, par le biais d’élections, la représentativité des syndicats.

Ce qu’il faut retenir:
La validité des accords d’entreprise est soumise soit à une majorité d’engagement, soit à une absence d’opposition majoritaire. Cette majorité syndicale s’apprécie par rapport aux suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du CE ou, à défaut, des DP. En l’absence de quorum, la majorité syndicale ne peut être déterminée, les votes du premier tour n’ont pas à être dépouillés; il y carence d’élections professionnelles. L’accord signé par le délégué syndical de l’entreprise ne sera valable que s’il est approuvé par la majorité des salariés.
 

Représentativité : le rappel à l'ordre de la Cour de cassation
[ 15/01/07 ] LES ECHOS

La Cour de cassation l'a rappelé fermement : en l'absence de quorum au premier tour des élections professionnelles, tout accord d'entreprise doit être validé, comme le prévoit la réforme du dialogue social de 2004, par un référendum auprès des salariés.

Alors que les partenaires sociaux attendent toujours le document d'orientation sur la représentativité que leur a promis le gouvernement pour la fin de l'année dernière, la Cour de cassation vient de leur offrir un joli casse-tête. Un arrêt que sa chambre sociale a prononcé le 20 décembre dernier va en effet singulièrement compliquer le dialogue social.

La loi Fillon du 4 mai 2004 a imposé une condition de représentativité aux accords d'entreprise. Seuls sont valables les textes auxquels des syndicats représentant plus de 50 % des salariés ne se sont pas opposés. L'audience de chaque organisation est censée être fournie par les élections aux comités d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Mais à une condition : qu'il n'y ait pas besoin de deuxième tour. La Cour de cassation vient de rappeler fermement cette règle inscrite dans la réforme du dialogue social : lorsque le quorum prévu par le Code du travail « n'est pas atteint au premier tour des élections professionnelles à la proportionnelle (...), il n'y a pas lieu de décompter les suffrages exprimés en faveur de chacune des listes syndicales », précise l'arrêt. La justification de cette règle est simple : seul le premier tour de ces scrutins est réservé aux candidats des organisations syndicales reconnues représentatives, celles qui sont seules habilitées à signer des accords. Mais son résultat n'est valable que si la participation est supérieure à 50 %. Sinon, un second tour doit être organisé, où peuvent aussi se présenter des non-syndiqués.

La conséquence de cette règle de calcul de l'audience, passée inaperçue jusqu'à présent, est loin d'être négligeable. Dans toutes les entreprises où un constat de carence est dressé lors de l'élection professionnelle, même s'il ne concerne qu'un des collèges (ouvriers, employés, agents de maîtrise, cadres), tout accord conclu avec un ou plusieurs syndicats doit, depuis mai 2004, être obligatoirement validé par un référendum auprès des salariés pour pouvoir s'appliquer.

Casse-tête

Difficile de dire combien d'entreprises risquent d'être concernées, toutes ne respectant pas leur obligation d'informer le ministère de l'Emploi en cas d'absence de quorum au premier tour de leurs élections professionnelles. Mais c'est, à coup sûr, loin d'être négligeable. Il suffit pour s'en convaincre de se référer au poids - d'ailleurs de nouveau croissant - des non-syndiqués dans les résultats des élections aux comités d'entreprise : 22,4 % en 2004, toutes tailles confondues, et plus de 50 % dans les entreprises de moins de 100 salariés.

La loi a prévu une porte de sortie pour les entreprises en butte à la règle du quorum : la possibilité d'organiser des élections spécifiques de représentativité. Mais il faut pour cela que soit conclu un accord qui soit approuvé par une majorité de salariés pour entrer en vigueur...

LEÏLA DE COMARMOND
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